Maurice Ternant
et la marque Mira
Propos de Roger Ternant recueillis par Jean-Michel Bourque pour Rétro-Phonia
De 1919 à 1923, Albert Ternant et Maurice Ternant cherchaient une solution originale pour réduire la capacité répartie des inductances et surtout la capacité mutuelle entre selfs à couplage variable par rapprochement où le défaut était le plus gênant ; l’idéal selon eux fut la self inductance à bobinage Epicycle. Ils cherchaient aussi un vernis d’imprégnation qui soit fluide, incolore, hydrofuge et surtout qui apporte peu de pouvoir inducteur spécifique (toujours la lutte contre capa répartie des selfs).
Les selfs Epicycles furent mises au point ainsi que leur vernis spécial H.F. (composition exacte perdue, mais probablement à base de gomme laque). Le tout fut breveté SGDG et fabriqué de façon artisanale par Maurice Ternant à partir de 1923. La vente est destinée aux amateurs constructeurs de l’époque. Vers 1925, Albert Ternant, en pré-retraite militaire, vint aider Maurice dans ses constructions. En ce qui concerne les Epicycles, je pense que le fil de cuivre (rigide à double guipage coton) était bobiné sur formes à clous, imprégnées par vernis, séchées, démontées et assemblées sur leurs supports. Les 2 faces alvéolées existaient nues ou protégées par film de cellophane nature (transparente) ou colorées de diverses teintes qui permettaient un repérage facile des selfs interchangeables pour les diverses gammes de fréquences. De plus, cela ajoutait une note de gaieté aux austères T.S.F. toutes en noir bakélite et tons bois de leurs supports.
Des récepteurs T.S.F. complets utilisant des Epicycles (divers modèles) furent aussi construits entre 1924 et 1927, toujours de façon artisanale, jusqu’à ce que les fabrications industrielles devenues abordables les détrônent.
D’après mes souvenirs des dires de Maurice Ternant, ses T.S.F. furent vendues sur la Nièvre et départements limitrophes (Cher, Allier, Côte d’Or, Saône-et-Loire) ainsi que quelques-un sur régions de Paris et Lyon. Toujours à des curieux aisés, (ah! cette taxe de luxe !) ou des amateurs éclairés.
MIRA – La marque au losange…
La Marque de fabrique des appareils de TSF de Maurice Ternant est le losange MIRA (rien à voir avec les marques Myrrha et Myrra qui sont postérieures).
Le nom vient de MIRA CETI, locution latine signifiant « merveilleuse de la baleine », nom d’une étoile variable périodique de la constellation de la Baleine. (MT était un féru d’astronomie entre autres sciences !)
Ce losange de celluloïd était cloué sur l’ébénisterie des appareils TSF en face avant. Le dessin est un losange d’encadrement avec au centre l’étoile symbolisée par un cercle central d’où divergent des rayons. Le nom Mira étant inscrit en majuscules à cheval sur le cercle central. Dessin estampé sur cellulo et coloré en rouge.
En ce qui concerne les selfs Epicycles et les CV fabriqués par MT, le logo était estampé sur le cercle de maintient des selfs et sur les flasques des CV.
Exposition de physique et de T.S.F.
Paris – Décembre 1923
Bobines de self-induction à circuits Epicycles « Mira » pour radiotélégraphie et radiotéléphonie (brevetées S.G.D.G.)
Plusieurs années d’expérience et de pratique de Radiotélégraphie nous ont fait constater qu’il était nécessaire de mettre au point des bobinages à faible capacité propre et réagissant le moins possible par capacité lorsqu’on les couple entre eux.
C’est dans ces conditions que nous avons mis à l’étude, puis réalisé ce nouveau bobinage, basé sur l’utilisation des Epicycles et que nous présentons à tous ceux qu’intéressent les progrès de la T. S. F.
Sur toute la surface active de ces nouvelles bobines, les spires sont réparties très uniformément et se croisent entre elles de manière à réduire au minimum les effets de capacité entre enroulements.
Avec leurs faces en alvéoles elles présentent l’avantage de pouvoir être accolées les unes aux autres en couplage serré sans augmentation sensible des capacités parasites entre circuits.
Dans chaque type de bobine le diamètre et l’espacement des fils ont été judicieusement choisis de façon à obtenir un très faible amortissement et une self très pure. Ces selfs sont recouvertes d’un vernis spécial à faible pouvoir inducteur spécifique (breveté S.G.D.G.) et dont la caractéristique, particulière est de conserver au fil sa teinte naturelle. N’étant pas hygrométrique, il assure aux appareils un isolement parfait.
Ces selfs peuvent être employées dans tous les usages de la T.S.F.: accord, transformateurs H.F., résonance, cadres, etc., et même dans certaines applications des courants de basse fréquence et continu. Employées dans les appareils de réception, elles assurent d’une façon parfaite l’accord et l’audition des postes de toutes longueurs d’onde : concerts anglais, P.T.T., Radiola, Tour Eiffel etc.
Maurice TERNANT. Membre du Radio-Club de France. 129 rue Lamarck, Paris – 18e.
A mon grand regret, je ne possède aucun poste Mira, je n’ai pas non plus les schémas. Certainement les classiques de l’époque (amplification directe, récepteurs à réaction, amplis B.F. à transfos) qui devaient évoluer avec les avancées de la technique assez rapide déjà. Maurice Ternant lisait beaucoup de revues radio américaines.
Pour ce qui est des lampes : premières versions en TM bleu « Photos », « Métal », etc. et dernières versions en lampes « micro ». Les quantités fabriquées sont inconnues : probablement quelques unités par mois, selon la demande.
Peut-être une TSF Mira a-t-elle survécu ? Dans quelque collection, chez quelque antiquaire ou brocanteur ou au fond d’un grenier sous la poussière… j’aurai plaisir à savoir qu’il existe un rescapé… Beaucoup de TSF des années 20 ont été dépecées par de jeunes adeptes du « poste à galène » dans les années 30-40). De plus, la 2e guerre a contribué à la hausse des prix des pièces détachées, et à la rareté. Et lors des réquisitions de postes, on donnait les vieux !
La société a été fondée en 1923, construisant les postes de T.S.F.. Elle fit ensuite de la vente et réparation de radio puis T.V. Elle a été dissoute en 1969.
Albert Ternant a terminé sa carrière militaire comme officier technicien de la marine chargé de l’équipement électrique des navires de la Flotte. Il est décédé durant la 2e guerre mondiale suite aux privations.
Maurice Ternant a fait la 1ère guerre mondiale dans le 8e génie comme radio-télégraphiste sur divers fronts puis a terminé son service en 1919 à la station radio-télégraphique de la Tour Eiffel. Il est décédé en mars 1970 après seulement 3 mois de retraite.
Espérant avoir apporté ma pierre au grand recense-ment… Il y a eu bien d’autres cons-tructeurs similaires à mon père dans l’hexagone, à la même époque ; des connus, surtout sur Paris, et beaucoup de moins connus en province, aujourd’hui totalement oubliés.
A leur mémoire…
Roger Ternant
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